Fallen II :: Adhénor
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Fallen II :: Adhénor

Sur les ailes des papillons
 
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Ezel Verian

Ezel Verian


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MessageSujet: Rappel   Rappel Icon_minitimeVen 1 Juin - 2:44

Cris et hourras, fin de la représentation. Applaudissements. Grondements grincheux de la charpente qui subissait cette déferlante de joie vaine, cette explosion de reconnaissance du public envers ceux qui, une fois de plus, l'avait fait rêver.

Le pistolet était récent. Pas vraiment neuf, car terni de poudre par endroits, mais récent - une occasion achetée sous le manteau. Sa gueule noire s'ouvrait au bout d'un court cou argenté, qui lui-même prolongeait le corps trapu du barillet. Un bras partait ensuite vers le haut, et sa griffe devenait le percuteur. L'autre, plus musclé, se prolongeait vers le bas et se couvrait de bois lisse pour mieux tenir dans la main de son maître.

Les chanteurs, heureux, comblés, ne se lassaient pas de revenir sur le devant de la scène, là où les humains saluaient les créatures qui les applaudissaient, là où les créatures pouvaient se réjouir des acclamations humaines. Pendant quelques précieuses minutes, la guerre civile se taisait, et la seule différence qui subsistait dans l'antique Opéra était celle entre les charmeurs et les charmés.

Le pistolet était lourd.

Parmi les artistes, le diaphane visage de la dénommée Viviane, un visage qui, comme tous les soirs de première, en avait forcément attiré un autre. Forcément.

Le pistolet était chargé.

Et c'était Ezel qui le possédait.

Recroquevillé dans un vieux fauteuil au fond d'une loge oubliée, dans une coursive utilisée uniquement pour accueillir les innombrables danseurs d'immenses et occasionnels ballets, l'hybride avait posé l'arme sur ses genoux amaigris et la fixait d'un oeil vide. Etait-il capable de presser une détente, lui, le froussard, l'éternelle victime? Etait-il vraiment capable de se défendre? Ou ne cherchait-il qu'à se jeter de la poudre aux yeux, comme lorsqu'il se disait enquêter sur Ambroise alors qu'il refusait seulement de le nommer en esprit?

Quelque part dans la salle, un coursier fendait la foule, une missive à la main.

Cela avait été affreusement facile. Il n'avait eu qu'à se servir dans les archives du Paradise Lost pour découvrir le nom des Lusignan, leur adresse, leur ascendance. Leur cousine, Viviane. Viviane, l'ange qui était passée dans sa misérable vie comme la douce lumière d'une étoile filante. Viviane, qui chantait à l'Opéra. Viviane, adulée par son cousin.


"J'ai à m'entretenir avec vous en privé, monsieur de Lusignan. Je souhaite vous retrouver dans la loge numéro 34, au bout du couloir C, dès la fin de la représentation. Je vous prie de bien vouloir croire à l'importance de ma demande."

Le jeune conservateur caressait le pistolet comme un chien prêt à mordre, et il se rappelait comment il avait dû taper la convocation d'Ambroise à la machine parce que sa main tremblait trop pour tenir un stylo, comment il avait d'abord écrit "j'aimerais vous retrouver" avant de froisser la feuille et de la déchirer dans un accès de rage coupable. Il ne voulait pas penser à ce qu'il faisait, il ne voulait pas réfléchir aux conséquences. Tout ce qu'il savait, c'est ce qu'il avait compris au contact du Butterfly C: traumatisme ou pas, s'il ne trouvait pas très vite le moyen d'éclaircir ce qui était entré en lui cinq ans auparavant, s'il ne faisait pas l'effort de comprendre d'où lui venait cette peur panique d'être touché et ce couple de mots (trop odieux pour être prononçable) qui squattait son âme, s'il ne réagissait pas très vite pour balayer tous ces points d'interrogation, alors Ezel allait devenir fou. Cinglé. Complètement déglingué. Choisissez ce que vous voulez, il en avait plein des comme ça.

Il devait revoir Ambroise - il avait un besoin vital de revoir Ambroise. Parce qu'il rechignait à comprendre seul ce que le vampire lui avait fait cette nuit-là, et parce que contre tout espoir, il espérait encore que c'était la perte de sang qui lui avait mis en tête des émotions inavouables, impardonnables. Il voulait savoir, mais pas chercher. Et jamais il n'aurait consenti à trouver le vampire s'il ne s'était vraiment trouvé au bout du rouleau.

Le pistolet était chargé. C'était une précaution, s'était-il dit, une simple précaution contre quelqu'un qu'il voulait haïr, mais qui ne lui évoquait finalement qu'une douloureuse incompréhension.


*Pourquoi ne m'a-t-il pas tué?*

*Pourquoi m'a-t-il embrassé?*

*Pourquoi ai-je si peur de pointer cette arme sur lui?*

*Pourquoi, mais pourquoi est-ce que je n'arrive pas à le détester?!*
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Ambroise

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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeVen 1 Juin - 5:04

(J'ai ressenti les choses de façon tellement... énorme... intense, et incroyable, que je ne saurais véritablement les exprimer... cet essai de retranscription me semble tellement piteux et maladroit que j'en ai un peu honte... mais peut-être sera-ce une esquisse suffisante pour approcher ce qui bouillonait réellement dans le coeur de l'auteur de ces mots... Même si c'est là, je m'en rends compte, que le langage est un outil à la fois merveilleux mais décevant, parfois impropre à faire goûter aux autres ce qui s'empare d'un être. Notre propre impuissance et l'enfermement dans notre propre conscience est extrêmement frustrant en de certaines occasions, mais il faudrait être télépathe ou au moins suffisamment empathe pour révéler autrement que par le Verbe ce qui sommeille sous un sein... ou alors un prodigieux artiste.)

Elle était là, rayonnante, pâle, fière et irréelle... inaccessible. Elle était là, sur les planches de l'Opéra, elle avait réalisé son rêve, et Ambroise assistait sans cesse à ses succès, et était sans cesse le plus heureux des hommes... Il l'aimait, sa petite Viviane, sa cousine solitaire qui avait trouvé refuge dans sa musique comme lui s'était forgé un cocon d'éternité, un rempart contre le monde avec ses mots, une muraille pour mieux fuir les autres, et peut-être également pour mieux se fuir. Quelque part il l'enviait, la douce et intangible créature: elle avait trouvé sa voie et suivait paisiblement les méandres de son chemin de rêve, tandis qu'il n'était que toujours plus attiré vers les affres de la dépravation, pauvre fou qui courait toujours plus vers sa propre perte, oublieux de ce qu'il fut et de ce qu'il aurait aimé être, bête sauvage, meurtrière et implacable, monstre sanguinaire qui s'auréolait de poésie et de beaux atours, s'approchait avec une grâce lancinante pour finalement ne laisser derrière lui qu'une masse sanguinolente... Mais pas ce soir. Non, ce soir il était ébloui, impressionné comme toujours par son talent et sa voix enchanterresse, ébloui et fier, fier d'elle autant pour ses qualités que par un sentiment d'orgueil plus égoïste de se savoir du même monde, appartenir à la même lignée. Euphorique, il goûtait pleinement à sa joie et voulait comme toujours rejoindre sa parente dans sa loge lorsqu'il fut dérangé par un importun. Comment quiconque pouvait oser le déranger dans un moment pareil, le troubler en pleine extase?! Hésitant entre renvoyer le malheureux coursier avec une réponse bien cinglante pour ce misérable qui avait l'audace, l'outrecuidance de s'introduire dans son bonheur très privé tel un gueux dans un salon doré pour venir y laisser sa méprisable empreinte et souiller ce lieu ô combien intime que rarement retrouvé par le tyrannique et instable Lusignan et finalement aller voir lui-même quel était le degré d'urgence de cette demande _quitte à châtier lui-même l'importun, il n'en était plus à un meurtre ou une scène de torture près_ il finit par laisser l'emporter la curiosité et daigna se déplacer en personne, renvoyant un coursier on ne peut plus soulagé de pouvoir échapper à l'emprise de ce regard aussi chaleureux que le la morsure du froid arctique.

S'éloignant de la foule, la frêle et androgyne créature de ténèbres se demandait, en constatant que son interlocuteur était visiblement désireux de l'éloigner de toute trace de vie, quel pouvait bien être ce mandataire et pour quelle obscure raison il tenait à le voir dans un endroit aussi écarté, lui faisant traverser moultes méandres et obscurs boyaux du magnifique édifice, énorme et grandiose chimère qui semblait avoir avalé ce jeune homme trop maigre, lui découvrant ses entrailles et défaisant l'artifice et la magie de ses secrets... Tantôt c'était un costume de danseuse que l'on apercevait, jeté négligeamment au travers d'une chaise, esquisse d'un personnage, tissus soyeux dans l'attente d'un corps pour les incarner et sous les lustres étincelants faire miroiter aux yeux ensorcellés ses somptueux reflets, tantôt c'était une pâle imitation d'un paysage destiné à instaurer une ambiance propice à un drame ou aider les spectateurs qui pour la plupart avaient autant d'argent qu'ils manquaient cruellement d'imagination... Et encore, tout cela n'était que l'écume qui vient s'échouer sur le rivage sans dévoiler véritablement ce qui se trame dans les ondines profondeurs, quelles sirènes se cachent dans une lointaine lagune ou quelle monstruosité s'est réfugiée dans les noires abysses, laissant aux hommes leur ignorance bienheureuse et préservant leur insouciance, ramenant par hasard sous leurs yeux étonnés quelque trésor échoué au gré d'une imprévisible marée.

Ambroise se sentait un profanateur dans un temple, un hérétique, un impie qui foule le sol du temple des vestales, qui contemple les moyens mis à la disposition des servantes des dieux pour relier en un infime et précieux contact une entité supérieure à un vulgaire mortel. Mal à l'aise dans ces couloirs déserts, normalement animés par le brouhaha des artistes, les conversations et les plaisanteries échangées entre les petits rats d'opéras, l'arrogant sire de Lusignan progressait d'une démarche soudain moins hautaine et plus incertaine dans cette allée où seul régnait en cet instant l'angoissant et pesant silence, soudain plus oppressant qu'ailleurs, dans le hall de l'édifice, où le vampire savait que résonnaient les rires clairs et les discussions animées, les échanges de points de vue, les critiques ou compliments sur tel ou tel chanteur ou tel ou tel air _avait-il été correctement interprété? et la version de X n'était-elle pas meilleure l'an dernier? etc etc...

Chassant ses craintes irraisonnées, le Poète Maudit s'en voulait et avait l'impression d'être ridicule à laisser sourdre cette peur insidieuse et pernicieuse qui n'avait pas lieu d'être. Il allait voir qui dérangeait le bon déroulement de sa soirée, si l'improvisation avait le mérite et l'intérêt d'être jouée, et autrement revenir à son point de départ _en laissant dans son sillage une victime de plus.. ou pas. Tout simplement. Pas de quoi se ronger les sangs... D'ailleurs en parlant de sang il ne s'était toujours pas sustenté. Tss... quelle imprudence. Et si le prédateur qui sommeillait au fond de lui s'était réveillé en pleine représentation et qu'il avait sauté sur son voisin pour assouvir sa faim...? Non vraiment, il faudrait remédier à cela...

Absorbé dans ses pensées, il en avait oublié sa phobie d'un éventuel fantôme d'opéra _fantôme d'opérette, oui_ et s'arrêta devant la loge numéro 34. Reprenant contenance, le maigre et impavide serviteur des Muses replaça sur son visage son masque de froideur hautaine et distante, qui lui donnait à sa manière l'air aussi inaccessible que Viviane, bien que pour des raisons toutes différentes... et entra sans crier gare.

Il était là. Ezel était là...

Stupeur. Effroi. Une peur panique s'empara de ce personnage qui se voulait au-dessus de tous, se déversa dans son sein et s'infiltra dans chaque recoin de l'organe qui pulsait à une vitesse folle et résonnait en échos déments à ses oreilles qui ne percevaient plus rien, se déversait en une déferlante, un raz de marée destructeur qui emportait tout sur son passage, chaque fibre de son être, de sa conscience qui s'effilochait en misérables méandres, s'éparpillait dans chaque vague, se disloquait dans chaque goutte, se dispersait dans chaque reflet d'écume, se noyait dans ce sentiment jusqu'à s'y fondre, jusqu'à ne plus exister, jusqu'à ne plus être qu'une émotion; une seule et unique émotion... Figé, la vue brouillée, le temps arrêté, Ambroise ne pensait plus, n'agissait plus, et pour un instant, ne vivait plus.

Et aussi cruellement qu'il s'était arrêté, Chronos reprit sa course, se mit de nouveau à engloutir le monde, immonde, avide, vorace, aussi vampire et monstrueux que la diaphane Viviane, que le soi-disant insensible et en fait trop sensible Poète Maudit. Avec une violence sans nom, le jeune Lusignan regagna son corps et la possession de ses sens qui le laissa incapable de rien maîtriser, intangible et irréelle silhouette trop chétive à la blancheur immortelle se découpant dans l'embrasure de la porte, sa main encore posée sur la poignée qu'il avait enclenchée, et sur cette réaction imprévisible que cela avait amené. Avec une force inouïe et un choc terrible, les images s'étaient déversées dans sa conscience qui ne refoulait que trop , les souvenirs étaient remontés à la surface de ce miroir lisse et sans faille que semblait être l'esprit du Lusignan, troublant son calme apparent et trompeur mais causant non pas de fines ridules sur l'onde bleutée mais un ouragan d'autant plus terrible qu'il fût complètement et totalement inattendu.

Le chérubin, le seul homme qu'il ait jamais embrassé, la seule proie qu'il eût jamais mordu sans la tuer se tenait là, devant lui... et l'attendait. Il l'attendait lui, son agresseur, son bourreau... C'était complètement surréaliste, c'était inimaginable, impensable, insensé. Non en fait il n'y avait pas de terme assez fort pour décrire ce que cette vision pouvait produire sur l'orgueilleux buveur de sang... C'était... tout simplement... dément. Complètement dément.

Et alors le regard métallique, ce regard qui avait tant de fois plongé dans d'autres iris, les avait captivés, emprisonnés, enfermés dans son étreinte de lune, ce serpent qui avait séduit sournoisement tant d'innocent oisillons se porta sur l'arme que le délicat jouvenceau tenait sur ses genoux. Et alors... tout bascula.

Ezel était là... pour le tuer?

C'était tellement énorme, tellement évident et à la fois incompréhensible qu'Ambroise ne comprit comment cela n'avait pu lui sauter directement aux yeux. Il avait meurtri et souillé le malheureux angelot, il lui avait déversé tout son fiel, sa rage, sa rancoeur, sa haine, il lui avait fait goûter au poison qui suintait de son âme en s'emparant honteusement de la sienne, se frottant contre elle, lascivement, odieusement, tel un pervers en chaleur contre une enfant belle et pure, radieuse et lumineuse, d'autant plus brillante dans cette boue qui l'environnait et qui composait la population de tout Leidenstal ou peu s'en faut... Il lui avait infligé les tourments qu'il avait subi, il avait répété à son encontre ce qu'il n'avait jamais cessé de reprocher aux ignobles malfaiteurs qui avaient ruiné tout le début de sa piteuse existence. Tout lui apparut dans un éclair de lucidité soudain, et tout à coup il se sentit prêt à accepter... Accepter la mort, la vie, accepter d'être tué, là, par ce fragile enfant, d'un coup de revolver, accepter tout ce qui pourrait passer par la tête de cet être qui n'avait rien demandé mais après lequel le destin ou qui sait quoi d'autre s'était acharné. Tel le loup du poème de De Vigny qui voit face à lui les chasseurs qui le traquent et sait qu'il va périr, il fixait le frêle hybride, prunelles d'argent perdues dans deux émeraudes, soudainement aussi en adéquation avec lui-même qu'il avait été étranger, douloureusement, abominablement étranger à lui-même durant tant d'années, alors que tout en lui criait et hurlait sa souffrance lorsqu'il s'enfonçait davantage dans le meurtre et la perversion, quand il faisait l'amour, non, pardon, qu'il baisait toutes ces femmes mignonnes, belles ou splendides qui ne lui plaisaient pas pour mieux oublier les seules qu'il avait réellement tenu dans ses bras... Toutes ses exactions avaient été autant de pas sur le sentier qui l'éloignait à chaque crime davantage de cet enfant qui dormait, qui reposait sous ce sein mort, cet être qui avait cessé de grandir, plongé dans une léthargie qui durait, durait... depuis des mois, des années, des décenies... qui durait depuis toujours. Depuis qu'il s'était forgé cette abjecte carapace de vices pour mieux sombrer, cette carapace qu'il n'avait osé enlever seulement en présence de trois femmes, trois sirènes, trois naïades. Ironie qui aurait pu le faire sourire si seulement il avait encore pu ne serait-ce qu'esquisser un semblant de cette réaction, si le moment n'avait pas été trop grave pour laisser fleurir sur ses lèvres une nouvelle trace de son humour noir, son cynisme cinglant, dirigé cette fois contre lui-même, le loup était face à un agneau, plus fort que jamais, et pourtant prêt à se laisser achever par la douce créature. Il était là, et se contentait d'être là, attendant le bon vouloir de son interlocuteur pour rompre leur silencieux échange.
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Ezel Verian

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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeMer 6 Juin - 3:13

[Peut-être votre réponse vous semble-t-elle fade et sans relief, mais elle m'a suffisamment marquée pour que je prenne le temps de vous offrir une réponse convenable. Quant à parler de langage terne... je crois que je vais aller me coucher...]


Qu'est-ce qui rend l'humain différent des autres animaux? Car indiscutablement, il y a quelque chose, ne serait-ce qu'une ingéniosité sans bornes pour faire souffrir son semblable. Mais peut-on vraiment caractériser ce qui marque l'appartenance à l'espèce Homo Sapiens, peut-on mettre un mot ou une formule sur ce qui a permis de construire puis de détruire le World Trade Center new-yorkais? Sans parler d'autres races dans le genre des Hll, qui venaient compliquer à l'extrême une question déjà bien trop abyssale. Une question qui avait autant de réponses qu'il existait de philosophes, et cependant, Ezel n'en avait retenu qu'une seule: l'intelligence humaine, ainsi que celle des quelques espèces du même niveau, se caractérisait par la conscience du futur. Faire des projets. Eduquer. Planter un arbre. Craindre la mort et savoir la défier. Un chien ignore qu'il peut trépasser dans la seconde qui suit. Un humain n'en est que trop conscient.

Cela faisait cinq ans - soixante mois, deux cent soixante semaines, mille huit cent vingt et un jours, quarante-trois mille sept cent quatre heures - qu'Ezel Verian, hybride d'humain et de Hll, avait perdu toute conscience du futur.

Le fait l'avait frappé au moment où il s'était réveillé à l'hôpital - vraiment réveillé, pas lorsqu'il avait ouvert les yeux pour demeurer dans un état d'hébétude totale pendant deux ou trois semaines. Sérénité était partie. Un seul et unique visage avait envahi ses pensées, ses rêves. Ses espoirs lui semblaient dépourvus de sens. Sa vie s'était enfuie. Tant bien que mal, il avait commencé sa survie, errant dans un monde qu'il découvrait creux et translucide face aux tourments qui agitaient son âme maltraitée. Comme prisonnier d'une cage de verre que tous ignoraient, il avait tenté d'appeler à l'aide. En vain. Le monde était hostile, le contact des autres était une infamie qui lui faisait l'effet d'un viol, qui ravivait sans cesse ses blessures toujours ouvertes. Et pourtant, si ses jours étaient un calvaire, ses nuits n'étaient que folie. Dès que son corps épuisé se laissait aller à s'assoupir, le vampire était là, hôte indésirable vautré dans les replis d'une âme qui n'était pas prête à l'accueillir, infiltré dans le moindre de ses replis, souriant dans le plus petit de ses souvenirs. Les cauchemars d'Ezel n'étaient que sang, ses rêves qu'incohérence. Ses fantasmes, qu'humiliation. Ambroise palpitait en lui au rythme de son coeur, il avait envahi chaque fibre du jeune conservateur. Et pourtant... pourtant, l'hybride ne concevait plus la vie sans cette présence, comme un malade peut refuser qu'on l'opère de la tumeur qui ronge son cerveau. Ambroise était en lui, et de plus en plus, Ambroise était lui.

Pour ne pas devenir totalement fou, Ezel avait acheté une arme et avait attendu la prochaine première de Viviane.

La poignée de la loge plia soudain. L'hybride était si complètement noyé dans sa morbide rêverie qu'il n'aurait pas entendu le moindre mouvement dans le couloir, quand bien même il aurait encore disposé de toute son ouïe. Il lui sembla percevoir le grincement de la clenche, bruit cauchemardesque d'une porte de crypte qui s'entrouvre sur un vieux cadavre avide de chair fraîche - illusion pure et simple: il était tout simplement inconcevable que les cochlées endommagées du conservateur puissent enregistrer un son aussi aigu.

La poignée s'inclina, la porte s'ouvrit. Et Ezel, qui vivait au présent depuis cinq ans, rattrapa soudain son retard en ce qui concernait sa perception de l'instant qui allait suivre.

Ambroise n'allait pas le reconnaître. Et s'il le reconnaissait, alors il sourirait, goguenard. Et s'il ne souriait pas, ce serait pour lui parler de sa voix de sirène, cette voix qui l'avait déjà envoûté si longtemps auparavant (où la veille?) dans la ruelle. Ou peut-être qu'il ne s'embarrasserait même pas d'une parole, et qu'il se jetterait directement sur l'inopportun qui avait gâché sa soirée, ou bien sur une jolie friandise qu'il pensait sûrement avoir sucée jusqu'au dernier grain de sucre acidulé et qu'il découvrirait avec joie encore exploitable. Les scénarii étaient aussi nombreux que vraisemblables, et s'il avait fallu plus de temps à une porte pour s'ouvrir, Ezel aurait sans doute fondu en larmes devant sa propre stupidité: comment avait-il pu croire que revoir Ambroise le sauverait?

Le vampire ouvrit la porte, semblant déclencher un nouveau signal dans la machinerie du temps. Chronos, facétieux au point d'être sadique, décida de ramener le frêle hybride dans le présent le temps qu'il comprenne bien toute l'envergure de la situation. Ezel vit le visage du vampire. Et tout ce qui lui vint à l'esprit, c'était qu'Ambroise n'avait absolument pas changé.

Constatation qui n'était pas à sous-estimer: il est véritablement choquant, voire traumatisant, de retrouver cinq ans plus tard un être dont le visage ne s'était pas modifié d'un demi-centimètre. Si l'hybride avait oublié qu'il avait affaire à une créature immortelle, voilà qui le lui rappelait fort efficacement: pendant que lui grandissait peu et maigrissait beaucoup, pendant que son espérance de vie chutait à vue d'oeil à chaque fois qu'on lui effleurait l'épaule, Ambroise avait continué à marcher dans sa vallée de larmes, ni plus mature ni plus juvénile. Cinq ans n'étaient rien. Ezel, lui, avait irrémédiablement perdu les plus belles années de sa vie.

Mais plus que jamais, il se sentait incapable de détester le vampire. Et de peur que ce sentiment prenne une dimension inavouable, il baissa les yeux avant que les iris gris n'aient pu l'hypnotiser comme de coutume. Il constata ainsi, avec une surprise psychologiquement malsaine, que le pistolet était toujours sagement posé sur ses genoux. Lentement, sa main se referma autour de la crosse de bois verni, et il souleva légèrement le dangereux objet. Ce petit assemblage de métal crachait la mort; mais plus rien ne pouvait surprendre celui qui avait vu sa vie réduite en cendres incandescentes par une simple bouche.

Ezel pensait qu'Ambroise désirerait entamer la conversation. Mais le vampire avait décidé de se rendre encore plus difficile à haïr, et il s'abstint de parler tout comme de sourire. Le jeune homme dut se rendre à l'évidence, et il inspira longuement, sérieusement inquiet quant à sa capacité à prononcer des paroles sensées. Que dire? Que faire? Toutes les nuits, il avait rêvé/cauchemardé cette rencontre, et maintenant qu'il y était toute cohérence semblait le fuir. Il releva la tête. Ses prunelles plongèrent à nouveau dans les iris d'acier, et ce contact fut une douleur aussi vive que délicieuse.


"J'ignore quoi vous dire. Sans doute merci d'être venu. Je crois savoir que vous aimez mettre en place un minimum de faux semblants avant de passer à l'acte, n'est-ce pas?"

Ezel était surpris: où avait-il appris à parler de cette voix rauque mais stable, et avec ce cynisme perceptible? Enfin, cynisme... disons plutôt une tristesse très amère. Le revolver reposait toujours dans sa main droite, mais son canon restait pointé vers le plancher, entre les jambes de l'hybride. Il se sentait soudain ridicule d'avoir pu se penser capable de tirer sur Ambroise.

"J'ai mis du temps à vous retrouver, monsieur de Lusignan. Parce que j'avais trop peur, sans doute. Et sûrement aussi parce que j'ignorais comment cette entrevue allait se passer. Mais maintenant, je sais."

Il laissa planer un silence lourd de sous-entendus, le silence qui précède la tempête la plus meurtrière qu'un homme puisse voir dans sa vie. L'air fila entre les lèvres de l'hybride, vive comme une gifle, ténue comme un sanglot, lourde comme une chape de plomb.

"Je sais que vous m'avez tué, mais pas seulement. Et j'aimerais juste que vous me disiez pourquoi. Qu'est-ce que vous m'avez fait, et pourquoi! Ce n'est pas trop demander, non?!"

La voix montait dans les aigus, les yeux d'émeraude se noyaient de larmes hystériques, et Ezel finit sa courte réplique dans ce qui ressemblait à un cri, même si en pratique les sentiments qui l'étouffaient étaient bien trop forts pour lui permettre de hausser le ton. Il tremblait de tous ses membres.
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeMer 6 Juin - 20:43

La porte claqua. Et le silence s'installa.

Un pas... Deux pas...

Pourquoi marchait-il vers son trépas? Pourquoi avançait-il si froidement et sûrement vers la mort, impassible, imperturbable, lui, l'émissaire de la Grande Faucheuse, le fier vampire qui dans sa traîne sanglante emportait tant de baisers fatals, tant de macabres étreintes, dans son besoin maladif d'oublier s'était lui-même oublié et ressemblait aux pâles spectres enchaîné aux lieux qu'ils hantent pour l'éternité? Et pourquoi à présent qu'il se sentait prêt à périr Ezel avait baissé son arme, et au lieu de balles lui avait tiré en plein coeur à coups de mots, à coups de hargne, à coups de larmes et de désespoir? Oh, pourquoi ne s'était-il pas contenté de se venger, achever sa triste non-existence par une détente et se libérer, les libérer, Ambroise du cauchemard qu'il créait, du cauchemard aux allures de rêves qu'il était, et lui, le tendre angelot, de ce souvenir, de ses ailes souillées? Le regard du Poète Maudit n'avait pas quitté la silhouette svelte devenue malingre d'où s'étaient échappés une voix qui l'avait ému et poigné tout autant que la musique de sa cousine l'avait bouleversé, et ces yeux verts qui s'emplissaient de larmes... Oh, il se serait damné pour se faire pardonner, pour pouvoir se pardonner!

Mais voilà, la créature ténébreuse était distante, froide et fière de nature, et même si nulle trace d'arrogance ou de mépris ne transparaissait cette nuit sur son visage androgyne, il n'en était pas pour autant devenu soudainement capable de montrer ce qui sa cachait sous ce sein de marbre, ce sein maudit qui avait entraîné dans sa chute tant d'âmes inconscientes et avait forcé tant d'êtres vulnérables à partager son deuil, un deuil qui aurait dû leur rester étranger. Telle une statue impuissante qui contemple le monde sans pouvoir s'en faire comprendre, sans pouvoir gémir, sans pouvoir lui apporter la moindre once de chaleur, Ambroise ne pouvait que contempler les larmes naissantes des deux joyaux par lesquels il était absorbé sans être capable en retour de se dévoiler, découvrir ce coeur qui pulsait, cette tristesse qui sourdait, l'emplissait, ce regret qui le prenait. Sa voix, lorsqu'elle sortit, lui fit mal à ses propres oreilles tant elle paraissait chantante et limpide, nullement dérangée par le moindre rocher dans son timbre cistallin, son écoulement fluide


"Je te désirais."

Et en même temps que ce doux murmure s'échappa d'entre ses lèvres pâles, il commença à se souvenir... L'obscurité, les lumières proches et à la fois tellement lointaines de l'Opéra, ses paroles ambigües et suintantes d'envie, envie de mordre, de Le mordre, leur étreinte ou plutôt son étreinte lascive, les faibles tentatives d'Ezel de le rejeter, le repousser, la rage de le posséder qui s'était d'autant plus éveillée, d'aller jusqu'à violer l'intimité de cette âme innocente et encore enfant...

"Ce que je t'ai fait... Je t'ai mordu. Et j'ai voulu prendre de force ce que tu me refusais. Je t'ai, en quelque sorte violé"

Mon Dieu, mais pourquoi continuait-il de s'exprimer comme s'il parlait d'un pays lointain et merveilleux?! Avec ces accents légers, ces gestes aériens et éthérés, silhouette désincarnée, figure irréelle qui cachait pourtant un monstre bien réel... Etait-il condamné à avancer à travers le monde, voir les autres tomber et sombrer tout en restant enfermé derrière ce masque de statue marmoréenne à la blancheur liliale sillonée de veines légèrement bleutées, offrir aux autres ce corps glacé et mort, cette enveloppe maladive qui ne devait pas dit-on voir s'écouler 20 printemps...?

"Tu ne sais pas ce que c'est que d'être un vampire... tu ne sais pas ce que c'est que d'être un monstre."

Nul reproche ou relent de tristesse et d'amertume dans sa voix... Il énonçait juste un fait, de cette même façon intemporelle que de coutume, être qui traversait le temps ou plutôt se trouvait hors du temps, n'en était plus affecté de la même façon, ne le percevrait certainement jamais plus de la même manière. Il avait abandonné tant et sacrifié tant en acceptant le don ténébreux de Carmine. Carmine... comme il l'avait aimé. Au-delà des mots... au-delà de la Raison. Mais il lui semblait que cela remontait à une éternité, qu'une nappe de brume avait tout rendu trouble et flou, que le brouillard de l'oubli avait peu à peu anesthésié son coeur, l'avait engourdi dans ses bras, ses froides caresses intangibles, avait peu à peu dévoré son âme pour ne laisser qu'une créature se vautrant dans la luxure et la débauche des sens, profitant de ce qu'il lui restait avec cette inquiétude fiévreuse de s'en voir délesté le lendemain, incapable d'en profiter, comme si cela aussi lui serait enlevé.

Ce qu'Ambroise ne savait pas, c'est qu'il avait seul érigé ses propres barrières, que rien ne l'excusait: il n'avait pas réagi, était tombé dans cette léthargie, cette torpeur, sa sensibilité engourdie et sa raison presque anéantie. Un sourire triste et les yeux voilés des ombres du passé, il ajouta après un léger temps une dernière phrase, en réponse à l'une de celles du délicat et frêle chérubin.


"Vous avez bien de la chance si vous savez ce qui vous attend. Pour ma part, le futur reste défintivement obscur, et je crois que c'est un grand bien que les dieux nous laissent dans l'ignorance: il est déjà assez difficile de goûter au présent sans nous soucier du passé, si nous devions en plus nous préoccuper de l'avenir..."
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeVen 8 Juin - 4:42

Je te désirais.

Longtemps, il était resté unique et entier. Du haut de ses treize ans, prisonnier ravi d'une enfance qui se prolongeait un peu plus que de raison, il avait regardé ses camarades se tordre et gémir sous les assauts d'un esprit qui grandissait trop vite pour eux, proies impuissantes de pulsions aussi violentes que contradictoires qui les écartelaient, les disséquaient vivants pour mieux les faire grandir. Puis le venin d'une Leidenstal en guerre s'était répandu sur sa vie. Ses parents, son mentor, tous victimes d'une société qui, lassée de courir en rond après sa propre queue, avait commencé à s'autodétruire avec hargne. Combien de temps avait-il oscillé entre enfant et adulte, altruisme et égoïsme? Jusqu'à l'Eden, sûrement, jusqu'à Sérénité et la découverte qu'il se détruirait en restant aussi incertain. Très lentement, il avait commencé à faire des choix, à assumer ses propres contradictions.

Et pour un petit mensonge et une réaction juvénile de fuite, il avait rencontré les crocs du vampire. Et sa dualité avait explosé.

J'ai voulu fuir. Je me suis laissé faire.
C'est sa faute. C'est la mienne.
Cette immonde bouche sur la mienne. Ce baiser qu'il m'a offert.
Ce monde affreux. Cette vie si belle.
Je ne me supporte pas. Je ne peux pas me faire encore plus de mal.
Tous des monstres. Qu'ils m'aident, pitié.
Je le hais. Je l'aime.

Je te désirais.

Les larmes d'Ezel lui brûlaient les yeux au point de le rendre aveugle, et pourtant elles refusaient de s'écouler sur ses joues, comme son désespoir refusait de le libérer de son étouffante étreinte. Pourquoi? Parce que. Ni plus, ni moins.

Salaud, immonde salaud qui s'est servi de moi comme d'un jouet et qui ose me le dire en face, ordure qui
avait peut-être peur que je lui dise non, tout simplement, juste peur que
je le tue, ce monstre qui sourit presque en me parlant, cet infâme
vampire, oui c'est un vampire, c'est sa nature et il n'y peut rien, en effet je ne sais pas ce que ça fait...

Je te désirais. Et rien que pour ça, je t'ai en quelque sorte violé.

Quelque chose se brisa dans la poitrine de l'hybride - sans doute son reste d'espoir. Et il s'obligea à penser très fort, avec celle de ses voix intérieures qui était la plus belliqueuse, pour ne pas, surtout pas entendre l'autre. En quelque sorte? Oh non, c'était un véritable viol, d'autant plus insupportable que le vampire ne s'était pas contenté de brutaliser son corps. Se rendait-il seulement compte, ce sieur de Lusignan, de ce qu'il avait fait subir à l'âme dans laquelle il avait pénétré de force?

Bien sûr qu'il se rend compte, qu'est-ce que tu crois? Hypocrite...

Ah non, c'était Ambroise l'hypocrite, uniquement lui! Le pistolet frémissait, sembla un instant s'élever en écho aux pas que l'immortelle créature faisait vers lui.

Oui, hypocrite. Parce que cela fait cinq ans, et que tu n'as toujours pas osé l'avouer.

Non, non...

C'était peut-être un viol. Mais un viol bien agréable, non?...

Un viol agréable. L'effroyable oxymore était jeté, l'antithèse d'enfer était lâchée. Et soudain la fracture disparut, les voix se turent, et les larmes libérées se mirent à couler. Ezel réalisa que pendant quelques secondes, son esprit en vrac avait frôlé cette contrée de non-sens, ce pays dont l'on ne revient pas, cette terre par trop fertile sur laquelle il menaçait quotidiennement de s'échouer depuis des mois. Pendant un infime laps de temps, il avait indéniablement perdu la raison.


"Je ne comprends pas, en effet. Je ne cherche plus à comprendre. Et je sais si peu, si peu de choses..."

Sans savoir si c'était un appel à l'aide ou un véritable désir, le jeune conservateur leva à nouveau son bras amaigri, et le pistolet vint pointer vers le front d'Ambroise. Avant que l'hybride ne fasse pivoter son poignet et que la bouche glacée du canon d'acier ne vienne embrasser sa propre tempe. De tout son corps, seule cette main ne tremblait plus. Ses prunelles vertes, dévoilées par les pleurs, étincelaient.

"Vous ne vous justifiez pas, ou si peu, et vous parlez de futur... Cela fait cinq ans que je revis la même nuit, monsieur Ambroise, et j'en deviens fou. Alors dites-moi ce que vous préférez, qu'on en finisse: désirez-vous achever vous-même votre travail, ou bien faut-il que je le fasse à votre place?"

La loge s'était évaporée, tout comme la silhouette maigre de l'éternel jouvenceau, tout comme ses traits mêmes. Seuls ses yeux existaient encore pour Ezel, ces billes d'acier qui le terrifiaient et le paralysaient de désir, ces iris indéchiffrables auxquels plus que jamais il résumait sa vie sans sens. Des yeux de tendre serpent, qui ravivèrent brièvement la dualité maladive du jeune hybride, juste le temps qu'il se demande comment il réagirait si Ambroise le touchait. Si son agresseur, si le visage qui hantait ses cauchemars faisait ce que le conservateur refusait de la plus aimable de ses connaissances.

Il découvrit qu'il l'ignorait. Il l'ignorait complètement.
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeVen 8 Juin - 16:31

"Non!!!"

Quelque chose explosa dans la poitrine de l'immortelle créature, en même temps que le cri s'échappa de ses lèvres pâles et qu'il bondit sur Ezel, renversant le fauteil et les envoyant voler à terre dans sa précipitation paniquée. Il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit de faire cela! Il n'avait pas droit de le mettre face à lui ainsi! Il ne pouvait pas...

Les pensées incohérentes du vampire filaient alors que, totalement hagard, il semblait aussi surpris de se trouver là, les jambes enmêlées, entremêlées avec celles du chérubin, reposant encore à moitié sur la chaise qui avait aceuilli le corps du jeune conservateur un instant plus tôt qu'un étranger soudain réincarné, projeté dans le corps maigre et androgyne de la silhouette pâle qui dans son élan inconsidéré n'avait pas même réfléchi au risque qu'il encourait si sa célérité de vampire ne parvenait à totalement surprendre le délicat hybride...


"Tu n'as pas le droit!"

Oui, mais pourquoi...?

Et soudain Ambroise prit conscience qu'il le désirait, encore et toujours, le frêle angelot, qu'il était le seul qui l'avait séduit et charmé au point de lui faire oublier Gaïa, la somptueuse Gaïa et toutes les conséquences que son acte pouvait entraîner, au point qu'il se mette à rechercher avec la rage frénétique du désespoir à retrouver cette image de chérubin innocent à travers d'autres sans jamais pouvoir les embrasser et en finissant toujours par les tuer, coup de crocs avide, sanglants suçons jamais suivis d'une charnelle union

Affolée, la créature intemporelle laissa transparaître son trouble dans sa voix. Le tranquille cours d'eau devenait torrent bondissant et dans sa course folle laissait chanter enfin son coeur libéré, flot en crue incontrôlé et incontrôlable qui ne pouvait plus être refoulé et contenu par le lit gracieux dans lequel il se coulait et murmurait sa douce et lointaine mélodie


"Tue-moi plutôt! Ou alors n'importe quoi... tout mais pas ça!"

Fébrile et tremblant, le fier Lusignan qui aimait tant tout contrôler voyait les choses lui échapper et se trouvait pris telle une plume dans l'ouragan, jouet des sentiments ou des dieux qui s'amusaient à torturer son sein en lui renvoyant leur bel émissaire, le messager de l'Innocence, le forcer à regarder sa décadence. Mais il n'était pas prêt à tout accepter, il ne s'était pas aliéné et enfoncé si loin sur la route obscure du Vice qu'il pût sans rémission, sans espoir de retour revenir vers la lumière. Si Ezel se suicidait, c'était lui qui allait devenir fou. Et s'il le laissait faire, cela revenait à annihiler la seule lumière qu'il avait en lui, cette part belle et pure cachée aux yeux de tous, c'était placer sous le pistolet du garçon la seule chose qu'il lui restait: le véritable Ambroise. Le Poète Maudit qui avait versé tant de pleurs et chanté sa douleur tandis que le destin lui arrachait les seuls êtres qu'il avait aimé et chérissait encore, au travers de souvenirs cultivés tels de sombres rosiers de regrets qui croissaient, s'entrelaçaient et embrassaient son âme jusqu'à l'écorcher encore et encore en y enfonçant plus profondément leurs épines, tels un lierre qui dans son somptueux ballet, ses splendides arabesques traçait en complexes et sinueux méandres le chemin de sa folie, étouffait son esprit comme un chêne chétif et malade qui au lieu de lutter contre l'envahisseur lui offre les ténèbres où se propager et fleurir, fleurir du poison insidieux de la nostalgie, l'arroser de l'onde amère et fertile de la mélancolie qui en tristes rigoles dégringolaient toujours plus abondamment sur ce coeur blessé à vif et ignorant de la plaie béante qui creusait chaque nuit davantage son sein, écartait tel un monstrueux reptile de ses griffes noires le néant de désespoir où se déversaient tous les pleurs qui ne sillonaient plus ces joues creuses et glabres.

Ses prunelles, iris de lune, rendues éclatantes par le trouble qui s'était soudain emparé de sa trop chétive poitrine, cet émoi mal contenu dans la prison de sa cage thoracique trop saillante ne pouvaient plus se détacher du regard d'émeraude et de s'y perdre comme un imprudent voyageur dans une forêt mystérieuse et trop profonde, et plus il contemplait ces joyaux, plus en lui s'affirmait ce sentiment qu'il devait à tout prix sauver et préserver une vie si belle, qu'il avait là un reflet de ce qu'il avait nié en lui pendant si longtemps, un enfant perdu mais l'un des seuls pourtant à pouvoir mener le monde vers l'espoir, le baigner de douceur, de chaleur et de lumière, telle une étoile ou un soleil ou ... Oh, il en perdait ses mots et sa respiration trop rapide fut pendant un instant la seule chose audible dans son cerveau alors que son esprit désorienté attendait un quelconque signe, une lueur d'espoir...
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeVen 8 Juin - 23:07

Le cri d'Ambroise se confondit avec un hoquet horrifié du jeune hybride, qui, ébranlé au plus profond de lui-même par cet être maigre qui se jetait (à nouveau) sur lui, faillit bien presser la détente, envie d'en finir ou pas. Mais des doigts d'acier se refermèrent sur son poignet, arrachant la funeste gueule de l'arme à sa tempe en sueur, et lorsque la petite loge bascula autour d'eux, la balle qui aurait pu être la dernière marque de ponctuation de la vie d'Ezel alla se planter dans le plafond avec une détonation étouffée. Fracas de la chaise qui bascule, choc sourd d'un corps qui s'effondre et d'un autre qui bascule sur lui.

Puis la voix du vampire. Et un si long silence que ce ne fut pas un ange, mais bien toute l'armada des cieux qui eut le temps de passer.

Allongé à moitié sur le plancher terni, à moitié sur le dossier du petit fauteuil décoratif qui l'avait accueilli jusqu'à présent, Ezel restait tétanisé, lèvres entrouvertes et regard fixe. Même ses larmes s'étaient taries. Mais nulle folie à l'origine de son trouble, cette fois-ci. Son cerveau noyé d'adrénaline ne savait tout simplement plus comment réagir, et ses nerfs restaient inertes, dans l'expectative.

Voix Numéro Un vociférait de toutes ses forces qu'il fallait paniquer, se débattre, et fuir, fuir très vite avant que le cauchemar ne recommence, avant que cette bouche hérissée de crocs ne le déchire à nouveau de l'épiderme aux couches les plus profondes de son inconscient. Il n'avait pas le droit de se suicider? Parce que cet être était un monstre, une bête avide de sang et jalouse de sa proie, une bête qui voulait prendre elle-même la vie qu'elle avait déjà si somptueusement ruinée. Ambroise si proche, c'était la folie, c'était la mort, aussi inéluctables l'une que l'autre; c'était la quintessence de son tourment, l'origine de toutes ses blessures. C'était la douleur et l'humiliation. Encore. Et encore.

Voix Numéro Un hurlait, hurlait de toutes ses forces. Et Ezel l'aurait sans doute écoutée sans les dernières paroles du vampire.

Pourquoi "pas ça"? Pourquoi cette hésitation, pire, cette fébrilité dans une voix qu'Ezel n'avait jamais ô grand jamais entendu seulement frémir? Pourquoi ce visage bouleversé, ces yeux de métal noyés par trop d'émotions contradictoires? Le jeune conservateur en oubliait même sa situation, il en oubliait ce corps mille fois maudit qui immobilisait le sien, cette jambe malingre glissée par accident entre ses genoux, ces doigts squelettiques qui broyaient son poignet toujours armé - c'était bien plus qu'un contact, et pourtant il n'en s'en rendait même pas compte. Ambroise le touchait, certes, mais surtout Ambroise ne voulait pas qu'il se tue. Et à entendre sa voix, ce n'était certainement pas pour le faire lui-même.

Ezel inspira lentement, comme s'il retenait son souffle depuis des siècles. Tout aussi ensorcelé que son vis-à-vis, il n'osait détourner la tête de peur de lâcher ce regard si beau, si dangereux, ce regard qui le hantait et dans lequel il découvrait pourtant une lueur positive qu'il n'aurait jamais soupçonnée. Pendant cinq ans, Voix Numéro Un s'était chargée de tous ses cauchemars, de toutes ses réminiscences, et dans la partie consciente de son esprit Ambroise était devenu un monstre sans âme, une entité maléfique qui se rirait de lui et le torturerait à nouveau s'il la croisait une nouvelle fois. Et maintenant... maintenant... le démon refusait de le voir mourir?...

Ezel n'était pas encore fou, mais cette situation avait tout du délire d'un insensé. Il se demanda brièvement s'il rêvait. Mais non. Jamais il n'aurait pu inventer une telle lueur dans l'oeil du lugubre Poète.

Lentement, très lentement, Voix Numéro Deux prenait le dessus dans l'esprit d'Ezel, et si son corps recommença à trembler, il ne chercha pas à se débattre. Il avait peur, bien sûr, il était viscéralement mort de trouille, si terrifié qu'il ne parvenait même pas à en mouiller son pantalon - Voix Numéro Un était tout de même la voix de la raison. Mais il ne chercha pas à fuir. Et ses doigts crispés à l'extrême finirent par laisser tomber le revolver.


"Je... comprends pas... Vous ne voulez pas que..."

Sa voix était à peine plus qu'un murmure, si ténu qu'il semblait près de disparaître après chaque mot. Parce que tout cela était tout à la fois trop incompréhensible et trop affreux - qu'adviendrait-il de lui s'il se trompait, si le talentueux Ambroise l'avait encore dupé? Ezel pâlit davantage à cette pensée, et de faible, son chuchotement se fit quasi indécelable, le temps pour Voix Numéro Un de passer un message saturé de désespoir.

"Quoi que vous... que... je vous en prie, cette fois t... tuez-moi après."
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeSam 9 Juin - 18:56

La tristesse s'empara alors du coeur d'Ambroise, les regrets nourrirent un peu plus son sombre rosier et le voile du passé s'abatit sur la prunelle argentée alors que tel le vent qui s'empare du frêle tremble la voix du vampire frémit, comme le chant d'un lointain oiseau qui élève tristement ses trilles solitaires vers la lune, compagne de ses nuits, célébrant la beauté d'un monde perdu, les lointains jardins aux fleurs de joie embaumant l'air frais qui vit ses premiers envols, les rivages où la brillante écume venait déposer aux pieds de la sirène qui mêlait sa voix avec la sienne des coquillages aux reflets de nacre... mais son chant exhalé en un souffle, l'esquisse d'un murmure, n'évoquait plus que la nostalgie de l'exilé, la mélancolie au souvenir de l'exode et du chemin disparu, noyé par la marée montante de la traître amnésie, alors que le voyageur égaré ignore que lorsqu'il voudra revenir sur ses pas ne trouvera qu'un océan dont les confins invisibles ne lui laissent que l'amertume de ses vagues pour pleurer...

"Pourquoi m'as-tu demandé de venir si c'est pour me parler de mort...? Ne penses-tu pas que ma sombre amante n'est déjà que trop présente? Sans cesse dans mon sillage, elle m'arrache tous ceux que je finis par aimer, et lorsque je veux célébrer la vie en accordant mon timbre avec le leur, elle passe et ne me laisse plus qu'un cadavre pâle et froid à chérir...?

Non, tu vivras... et tu pourras célébrer la beauté du monde en entretenant ses plus belles toiles, ces toiles que je venais contempler, envieux et jaloux de l'amour que j'y percevais et qui s'en dégageait en fines volutes ou brillait tel le plus éclatant soleil quand moi je n'avais plus qu'un spectre à mes côtés..."

Mais cette époque aussi était révolue, de même que son enfance incertaine mais heureuse où les bras de sa mère l'enlaçaient tels la clématite en volutes harmonieux vient caresser de sa tendre ramure l'arbre qui s'élève et le fleurir d'une superbe parure... De même que Viviane qui avait perdu Brocéliande, son secret Avalon mais recommençait à s'épanouir ici, sous les rayons d'un autre soleil, délicate plante, diaphane rose blanche aux crocs de sanglantes épines dont enfin les racines s'enfonçaient peu à peu dans le sol d'une autre terre plus violente mais non moins fertile pour quiconque sait en son sein retrouver un hâvre de paix et plutôt que regretter ce qu'il a laissé et s'aveugler les yeux de souvenirs voir la beauté qui l'entoure, où qu'elle se trouve. Viviane l'avait compris, et elle savait se réjouir lorsqu'elle apercevait un recoin de verdure ou un oisillon niché dans un arbre quand son cousin plein d'amertume se détournait, écoeuré par les murs gris qui s'élevaient autour ou le chat qui guettait la pauvre créature, songeant que tout autour de lui n'était que barbarie et qu'il fallait sans cesse se défier et se protéger des brutes, souvent en les attaquant, telle une vipère perfide nichée dans l'ombre et prête à mordre et distiller son venin à quiconque croiserait son chemin.

Pourtant Ezel était aussi dissemblable à ce monde que la fleur l'est au rocher et tout aussi égaré que le vampire mais d'une façon toute différente. Et rien, absolument rien ne justifiait la conduite du Lusignan aliéné envers ce pauvre ange. Il avait été absolument odieux, ignoble, et il était plus que normal que le malheureux jouvenceau se le représentât comme un démon et fut surpris de trouver en lui une telle sensibilité. Pourtant, le plus surpris des deux était bien Ambroise, qui après ce choc psychologique se découvrait tel qu'il était réellement. Certes, il était un prédateur, mais plutôt que s'attaquer à d'autres fauves pour son festin, il avait agi en être lâche, fourbe, sournois, et s'était abreuvé de sang de licorne, souillantsa pureté et entachant son éclat à travers sa ténébreuse étreinte. Il aurait aimé que le chérubin comprenne et lui pardonne, mais lui-même n'était pas capable de se pardonner.


"Je ne sais ce que tu attends de moi... Mais s'il est quoi que ce soit en mon pouvoir pour réparer le tort que je t'ai causé, je ferais tout pour exaucer ton désir... Tout sauf te tuer ou te laisser mettre fin à tes jours et ôter au monde une si belle étoile."

Le murmure du poète avait une dernière fois brisé le silence avant la réponse attendue du chérubin contre lequel reposait son corps frêle, plus petit et plus jeune que celui de son interlocuteur malgré l'éclat d'éternité sans âge qui se lisait dans ses yeux. Il était jeune, très jeune pour un vampire, mais il avait déjà vu et vécu bien plus de choses que son interlocuteur, et il savait qu'il vivrait longtemps, bien plus longtemps que n'importe quel humain si seulement la mort ne le fauchait pas et ne l'envoyait pas rejoindre sa mère et son amante disparues. Le paradoxe était presque complet dans cette scène: celui qui jusque lors avait été le plus cruel paraissait le plus fragile et celui qui comptait le moins d'années passées à arpenter le monde semblait plus vieux. Il n'y avait plus de repères, plus de temps dans cet univers déréglé mais tout cela n'avait au final que peu d'importance: la seule chose qui comptait à présent pour Ambroise était la voix de son ancienne victime et les mots qu'elle véhiculerait.
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Ezel Verian

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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeMer 13 Juin - 3:22

La voix à la fois douce et rauque d'Ambroise provoqua chez Ezel une émotion tout à fait inattendue, pas tant par son intensité que par sa nature. Alors que jusqu'à présent l'hybride n'entendait que la terreur pure de Voix Numéro Un et les naïves tentatives de compréhension de Voix Numéro Deux, il percevait à présent une troisième entité qui d'habitude jamais ne lui parlait - ou plutôt qu'il refusait toujours de comprendre. Car Voix Numéro Trois ne s'embarrassait pas de mots, d'arguments, de conseils. Voix Numéro Trois était pulsion. Voix Numéro Trois était désir.

Voix Numéro Trois était la création d'Ambroise.

Ezel n'avait survécu tout ce temps que grâce à son travail. Quand toucher la chair des autres lui était insupportable, quand leurs voix-mêmes le faisaient frémir à travers ses oreilles à moitié sourdes, son seul refuge était les réserves du musée, ses toiles de maître à soigner et ses sculptures à nettoyer. Le marbre était lisse et frais. La toile, tendre sous la lourde couche de pigments. Tout cela était franc, direct; pas de tromperie dans la peinture, ou juste celle des yeux et parfois celle du coeur. Les scènes représentées, même ouvertement lubriques, jamais ne heurtaient le jeune conservateur comme le regard gris auquel il apparentait tous les autres. Les oeuvres du musée attendaient les caresses de son pinceau et de sa brosse avec le tranquille respect de patients confiants en leur médecin, et jamais elles ne se détournaient de lui une fois qu'il avait achevé son travail. Dans son univers vacillant d'apprenti agent double traumatisé, Ezel avait un besoin vital de cette tâche qui était la sienne, plus qu'il n'avait besoin de boire ou de manger. Entendre Ambroise en parler avec une affection si perceptible émouvait le jeune hybride au-delà de toute description.

L'émouvait au point qu'il prit soudain conscience de ce corps malingre allongé sur le sien, de cette jambe drapée d'un élégant pantalon sur mesure qui s'était glissée entre les siennes, du poids de la hanche qui pesait sur son bassin pour l'empêcher de se relever. De ces lèvres trop pâles si proches des siennes.

Et Voix Numéro Trois continuait ses imperceptibles ronrons plein d'expectative.

Seulement le vampire ne laissa pas le temps à Ezel de replonger dans sa peur, et il entrouvrit à nouveau cette bouche hypnotisante pour laisser échapper les mots que, sans vraiment le savoir, son interlocuteur attendait depuis le début. Ambroise voulait se racheter. Ambroise lui demandait pardon. Malgré son désir évident d'empêcher le conservateur de se suicider, malgré l'émotion dans son regard et sa voix, c'était tellement insensé, tellement incompréhensible, que d'entrée de jeu Ezel se crut trompé. C'était impossible, absolument impossible. Cinq ans durant, il avait pensé dans ses plus grands moments d'indulgence que le Poète devait à part lui regretter, de temps à autres. Mais que le démon puisse le lui dire, à lui, à sa proie...

Ce qu'Ezel attendait de lui?

Voix Numéro Trois balaya soudain les deux autres d'un souffle brûlant, et ses mots nerveux et avides était si viscéralement ancrés dans l'esprit d'Ezel qu'ils faillirent passer ses lèvres:


*Alors embrasse-moi. Embrasse-moi comme tu l'as fait la dernière fois. Que je sache. Que je sois sûr.*

"Alors... commencez par me relâcher."

Voilà, ça y était. Fi d'envies perverses, le vampire allait définitivement laisser tomber son masque amical, lui ricaner au nez et plonger sur lui pour le mordre à nouveau, faire pire si sa lui chantait, et peut-être même avoir la cruauté de l'obliger à continuer à vivre avec une âme en morceaux. Cela ne pouvait pas se passer autrement.

Et pourtant l'impossible se produisit. Ezel ne crut à ce qu'il vivait que lorsqu'il se retrouva assis contre le mur, jambes repliées devant lui, ses iris émeraudes fixés sur l'immortel jeune homme qui venait de le laisser s'éloigner. Le fragile hybride en était si hébété qu'en d'autres circonstances il en aurait été comique. Voix Numéro Un s'était tue, comme assommée de stupéfaction, et Ezel découvrit que le silence qu'elle laissait derrière elle était un délice sans nom. Les rivages des Terres de Folie s'étaient un peu éloignés.

Mais deux nouveaux problèmes s'exposaient à l'hybride: premièrement, Voix Numéro Deux, qui était la Voix Unique avant cette tragique nuit près de l'Opéra, ne savait plus quoi faire. C'était elle qui avait guidé Ezel jusqu'à cette confrontation, afin qu'il y découvrît si le démon de son imaginaire n'était pas tout compte fait beaucoup moins terrible qu'il n'y paraissait. La réponse s'était avérée positive, ce qui finalement troublait encore plus l'hybride qu'une confirmation de ses terreurs. Car, et c'était son deuxième problème, s'il n'avait aucune raison de détester Ambroise, s'il parvenait à oublier le mot "viol" dans l'oxymore qui hantait ses pensées... alors "agréable" était le seul mot qui lui restait. Et Voix Numéro Trois se faisait un plaisir de remplacer Numéro Un au premier plan.

L'hybride déglutit, trop perturbé pour avoir vraiment conscience que ces histoires de voix n'étaient pas spécialement saines. Il avait envie d'arrêter là, de rentrer tant bien que mal chez lui et de s'efforcer d'oublier ces yeux gris. Mais cela n'aurait pas marché, bien sûr. Il en avait bien moins peur, et pourtant ils le bouleversaient toujours autant - plus qu'avant, même, si possible. Il voulait savoir ce qu'Ambroise lui avait fait. Mais à voir le vampire là, accroupi devant lui et si ouvertement peu agressif, il craignait de plus en plus la réponse à ses questions.


"J'ignorais ce que vous évoque la mort. Je... je n'avais pas l'intention de vous appeler pour mieux me suicider devant vous. Mais je ne... je ne sais plus où j'en suis, je ne sais même pas ce que j'attends de vous."

La lassitude était perceptible dans sa voix, et Ezel baissa la tête avec un soupir fatigué qui l'accentua encore. Ses bras vinrent se nouer autour de ses genoux pour qu'il puisse y appuyer son front. Trop maigre, trop pâle, il était l'image même de l'épuisement.

"Peut-être rien, après tout. Ou peut-être la seule chose que vous me refusez: que vous finissiez votre travail."

Un regard vert pointa entre deux mèches de cheveux, et derrière le voile que les larmes y avait laissé, il était aisé d'y découvrir de la rancoeur.

"Je ne suis peut-être pas mort, monsieur de Lusignan. Mais je ne vis plus. Parce que... parce que... vous êtes toujours là. Quand je respire, quand on m'effleure, quand je dors. Toujours, toujours, toujours. Et j'aimerais savoir pourquoi; si vous l'avez fait exprès, et si oui si c'était pour me faire autant de mal que ça m'en a fait, et si oui qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour attirer votre désir et votre haine. Vous avez miss Zahara, non? Je... je voudrais juste comprendre."

Un silence, presque songeur. Puis une impulsion soudaine, très dans le style de Voix Numéro Trois:

"Vous vouliez que je revienne vers vous, n'est-ce pas?"
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeSam 16 Juin - 22:49

Une larme

Une larme, une seule, réussit à franchir les multiples barrières laborieusement érigées par la force des années et la volonté de se damner, fuir cette épaisse carapace et s'écouler en un instant aussi fugitif qu'éternel sur le pâle pétale de cette joue trop lisse et trop froide...

Gaïa

Un nom, rien qu'un nom, mais qui évoquait tant pour le poète maudit, le poète meurtri, de même qu'une sirène devenue humaine à qui l'on rappellerait brutalement les ondines profondeurs et son palais de corail. Zahara, Neyrelle, Carmine, 3 rayons éclatants de soleil qui vinrent illuminer l'existence d'un être qui avait si peu connu le vaisseau flamboyant d'Apollon, pour un être qui ne connaissait plus que la lune et les nuits froides où la solitude vous enserre comme un linceul.


"Je n'ai plus rien... plus rien ni personne. Juste peut-être la musique et les mots, mais quelle valeur ont-ils lorsque ceux qu'ils ont attirés finissent par vous abandonner...?"

Quelque chose avait irrémédiablement été brisé... depuis qu'il avait vu Ezel, depuis que la perle translucide de sa douleur lui eût transpercé le coeur d'un éclat de cristal...? Il n'aurait su le dire. Mais sa voix intangible, elle, ne savait et ne reflétait que trop ce qui se tramait derrière le masque de statue impassible.

"Je ne sais plus ce que je veux..."
*Peut-être juste oublier... attendre la mort et enfin rejoindre ceux que j'ai aimés...*

Ambroise se sentait misérable. Mais il n'avait pas l'habitude d'être vu aussi pitoyable, alors plutôt que se laisser sombrer, ployer sous le poids d'un passé despotique, traîner de l'aile attachée aux tourments anciens et courber l'échine face aux souffrances au lieu d'en faire le deuil, la créature se releva. Puisant dans ses réserves d'énergie et une force jusque lors inexploitée, il posa de nouveau un regard clair et brillant sur son interlocuteur et prit le temps de réfléchir avant de laisser s'élever un timbre redevenu plus calme.

"Tu le sais très bien en fait... Alors pourquoi me poses-tu toutes ces questions?"

Les iris indéchiffrables du vampire restaient fixés sans ciller sur ce jouvenceau qu'il avait désiré et désirait encore, alors même que les regrets l'avaient envahis, alors même que le conservateur l'avait repoussé, une fois encore, quand leurs corps, leurs lèvres avaient été si proches, tels la fleur déssechée qui appelle à elle la rosée matinale pour la faire renaître à la vie et au premières lueurs de l'aurore. Ambroise aurait pu étayer, expliciter, mais il n'avait pas besoin de se perdre en vains mots et poser milles et unes questions sans jamais oser faire entendre les principales, sans cesse éluder et à force de se perdre en obscurs méandres ne plus même se rappeler sa destination initiale. Ce que semblait faire par contre le malheureux chérubin...
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Ezel Verian

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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeMar 3 Juil - 5:49

Il avait envie de pleurer, de crier, de taper du pied et de se rouler par terre comme un gosse en plein caprice. Non, ça ne pouvait pas se conclure comme ça, Ambroise n'avait pas le droit, absolument pas le droit de répondre à son "pourquoi?" par un sentencieux "je ne sais plus ce je veux". C'était se foutre de la gueule du monde! Cinq ans, bon sang, cinq années à vivre au rythme lancinant de ces deux syllabes, qui ponctuaient sa vie comme la diastole et la systole d'un coeur malade. Pourquoi, pourquoi, pourquoi. Un tam-tam décérébré qui envahissait sa boîte crânienne, lui vrillait le cerveau, étouffait son âme sous son incessante mélodie en deux temps. Ezel avait survécu à cet enfer avec le simple et douloureux espoir qu'Ambroise saurait y mettre un terme, et voilà que le vampire qui lui avait si aisément sauté dessus préférait se défiler?! Ah mais non, il allait hurler, invectiver et réclamer, il allait se plaindre, il allait obliger l'immortel à se décider! C'était inacceptable, inacceptable!

Et pourtant... Qu'il était loin dans l'âme de l'hybride, ce discours outré. Qu'il était assourdi, étouffé par les sentiments mille fois plus tendres et délicats qui occupaient le premier plan. Qu'il était dérisoire, face à cette unique larme qui avait glissé sur la joue du vampire, fugitif éclat de pureté, trace d'un roc qui se voulait inébranlable et qui pourtant saignait à mort au plus profond de ses entrailles.

Lentement, Ezel se mit à genoux, dévisageant son ancien agresseur d'un regard indéchiffrable. Qu'avait-il cru? Que parce qu'il était immortel, le poète torturé allait lui expliquer le sens de la vie? L'hybride avait cherché pendant si longtemps à comprendre quelque chose qui n'avait aucun sens... Il n'y avait pas de "parce que". Pas de volonté de nuire, peut-être à peine celle de s'attacher l'âme d'un autre, pour être moins seul, pour être moins vide. Ezel avait voulu voir de la logique là où il n'y en avait aucune, et il découvrait avec un certain effarement que cette absence de justification, tout compte fait, ne le terrifiait pas tant que cela - pas du tout, en fait.

Alors le jeune homme qui n'avait pas été touché et qui avait encore moins touché quelqu'un depuis plus de cinq ans prit sa décision. Son âme agonisait, son corps tombait en morceaux. Qu'avait-il à perdre? Dans le pire des cas, si vraiment il s'était trompé, si vraiment Ambroise l'avait floué, il aurait encore un peu mal, puis il finirait par abréger ses propres souffrances, voilà tout. Cela valait la peine d'essayer. Cela valait la peine.


"Vous avez raison. Je ne sais même pas pourquoi je vous demande tout cela. Ca n'a aucun sens. Aucun sens..."

Tout en parlant, il s'était relevé pour se mettre au niveau du vampire - et même s'il faisait une tête de plus que le frêle damoiseau, il paraissait soudain plus petit que celui-ci. Il s'était approché, d'un pas de somnanbule, ses prunelles ternies perdues dans l'insondable regard gris.
Et il s'approchait encore, tableau surréaliste de la victime qui revient effectivement à son bourreau, de la proie qui vient d'elle-même poser sa gorge dans les crocs du loup. Il n'avait plus rien à perdre. Et juste une dernière question.


"Je vous l'ai dit, je n'attends qu'une chose de vous: que vous terminiez votre travail. Que vous mettiez un terme à toutes ces interrogations qui me rendent fou."

Il s'arrêta enfin, proche d'Ambroise à le toucher, blême mais décidé, pauvre esprit brisé qui oscille entre désespoir et folie. Soit il avait raison, et son acte allait réunifier toutes ces fichues voix, soit il avait tort et elles imploseraient en emportant sa raison avec elles. Il allait jouer sa vie dans les prochaines secondes. Il allait jouer son âme.

Et, honnêtement, au point où il en était, il s'en fichait.


"Terminez votre travail. Tuez-moi. Ou... ou... ou reprenez là où vous en étiez."

Sa voix s'était brisée après le premier "ou", si bien que le vampire n'avait sans doute même pas entendu la fin. Mais cela n'avait pas d'importance. Car la fin se passait de mots: la fin était un geste. Un geste invraisemblable, imprévisible. Inenvisable. Un geste qui se foutait de la gueule du monde.

Bouche close, lèvres tremblantes, paupières serrées et mains crispées sur les manches du costume de soirée de l'immortel dandy, Ezel rendit maladroitement le baiser qu'Ambroise lui avait imposé, si longtemps, si peu de temps auparavant. Parce qu'il voulait juste savoir. Juste savoir si... si... si ça allait être pareil...
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeMar 3 Juil - 23:41

Qui peut décrire la trajectoire d'une coquille de noix dans l'océan houleux...? Qui peut imaginer les émois d'un coeur qui succombe...? Ambroise sentait son âme déchirée, ainsi qu'une rose qui voyait ses pétales arrachés et son coeur dévoilé à l'éclat du jour alors qu'elle avait sans cesse vécu entourée par les ténèbres de la profonde forêt de crimes déployée sans cesse et sans cesse par la créature de violence et de vices soudain transformée en un être de poésie, un être qui ne retrouvait que trop douloureusement son originelle harmonie... chacun des mots d'Ezel lui était un supplice, un nouveau trait de feu dans sa maigre carcasse, un coup de serre ou de bec mais contrairement au bourreau de Prométhée, ils s'attaquaient directement à ce qui avait si longtemps sommeillé sous le sein pâle.

Et pourtant...

Pourtant ce filet de voix du jouvenceau n'était rien comparé au baiser qu'il en reçut et fit exploser le rythmique organe dans sa cage thoracique trop frêle au point que la cavalcade effrenée du métronome de ses émotions trop puissantes lui fisse presque mal, telle une chimère en furie capturée dans une prison de songe aux bien minces barreaux qui en tournoyant à chaque passage laisse la marque de son sillage. Le Poète Maudit aurait voulu rendre son âme et même plus à travers le contact de ses lèvres glacées au chétif chérubin perdu tout autant qu'il avait pu l'être, tout autant qu'il l'était encore... Il voulait prendre le risque de lui montrer ce qu'il avait de plus beau et de plus pur en lui, exposer le trésor fragile et vulnérable dérobé aux regards, que ce baiser soit un véritable échange et non simplement une domination malsaine.

Diamant façonné par la roche en fusion d'Adhénor, l'adorable hybride n'avait point encore acquis la dureté de cette pierre mais il en avait toute la pureté châtoyante, et Ambroise en voulant capturer cette céleste et lointaine étoile avait assombri et terni cet onirique éclat, ce magnifique jeune homme naviguant entre les toiles des grands maîtres et qu'en odieuse et monstrueuse araignée il avait entraîné dans les rêts de sa propre toile, enchevêtré dans l'abomination de ses fils cauchemardesques, goûtant avec une ignoble jouissance aux saccages de sa folie meurtrière sur cet esprit innocent. Ezel lui semblait trop beau et trop délicat à présent et il avait une crainte immense de le souiller ou de nouveau le briser, et ses bras tels ceux d'un oiseau de paradis invitant à partager les merveilles de son secret univers ou le chant du phénix enveloppant la mince silhouette l'invitèrent à la renaissance, à goûter la mélodie fluide et douce d'un hâvre de paix, simple et complexe telle la trame d'un enchevêtrement de fleurs tissant un berceau multicolore à leurs deux âmes meurtries et lasses, épuisées, traçant sous leurs pas erratiques et maladroits un chemin de verdure afin de leur éviter l'abîme et ses sinistres profondeurs

Et tandis que leurs lèvres unies scellaient leur destin la créature damnée enlaça le svelte damoiseau, ses mains semblant se placer presque d'elles-mêmes, l'une sur la nuque du conservateur et l'autre sur la courbe de ses reins...
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeJeu 5 Juil - 3:11

Pas d'hésitation, pas de recul. Pas même de hâte d'aller au-delà, de forcer le passage de cette bouche frémissante et inexpérimentée qui ne réalisait même pas la portée de son baiser. Juste une étreinte, présente sans être avide, qui le brûla sous sa caresse rassurante. Et ce fut ce simple acte, cette absence totale de convoitise dans les gestes d'Ambroise, qui achevèrent les dernières méfiances du jeune hybride comme le coup d'épée du chevalier blanc à un sinistre dragon à bout de souffle. Ezel ne put retenir le tremblement qui revint s'installer dans ses chairs blessées, un frémissement violent qui ne retranscrivait pourtant pas le dixième de l'émotion qui étouffait l'âme vacillante du conservateur. Il détacha convulsivement ses lèvres de celles d'Ambroise, et son visage prit appui sur la joue blâfarde, haletant, ses paupières serrées à s'en faire mal, son souffle saturé par la prenante odeur masculine qui émanait du vampire. Ses bras s'enroulèrent autour des épaules du poète et s'y cramponnèrent avec désespoir, car soudain les jambes du jeune homme ne le portaient plus, et il avait l'impression que s'il tombait maintenant, sa chute serait douloureuse et éternelle.

Paradoxalement, il pensait à Sérénité - Séni, douce Séni, qu'il avait tant aimée et qui lui avait échappé si facilement. Elle avait été son âme soeur, à la fois reflet et complément, cause de son plus grand bonheur et de ses pires souffrances. Ezel Verian, malgré ses réactions infantiles et sa maladresse, avait grâce à elle découvert ce qu'était l'amour de deux âmes jumelles qui se trouvent. Ainsi, il pouvait affirmer avec certitude qu'il n'aimait pas Ambroise - bien au contraire, il était presque certain de le détester. De le haïr. Mais Dieu, qu'il était bon de haïr une telle créature...

Ezel aimait les doigts translucides qui parcouraient sa nuque et ses reins, il aimait l'odeur du vampire, le contact de ses lèvres fermes. Il aimait son souffle au creux de son épaule, et pleurait d'adoration en sentant la chaleur que ces innombrables contacts faisaient naître dans son ventre. Et bon sang, d'une manière absolument inavouable, il aimait même le souvenir des crocs que le vampire avait ancrés dans sa gorge. Tous ces détails éveillaient en lui un désir presque féroce, une insatiable envie de combler le vide qu'avait été son existence des cinq dernières années, un besoin désespéré de s'oublier dans l'étreinte de cet être honni et vénéré.

Il avait aimé, et aimait sans doute encore, Sérénité bien plus que sa propre vie. Mais jamais il n'avait connu un désir aussi intense - aussi douloureux dans les bras de la jeune fille aux yeux vairons.

Son étreinte tremblante se resserra encore autour du corps maigre. Il abaissa la tête pour goûter l'odeur/saveur du cou d'Ambroise, se fichant éperduement d'exposer ainsi sa propre gorge en ce qui devenait une invitation explicite. Si le vampire voulait le mordre, qu'il le fasse après tout. Le jeune hybride n'en était plus à une souillure près, et le poète maudit méritait bien une compensation pour accepter de balayer par son étreinte les innombrables voix qui rendaient fou son (ancienne?) victime. Rien n'était pardonné. Mais à cet instant, tout était oublié.
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeJeu 5 Juil - 4:01

Quelque chose n'allait pas. Aussi clairement qu'un son discordant dans l'harmonie d'une oeuvre, aussi distinctement qu'un mot déplacé dans une poésie fluide et douce, un battement à contre-temps, une sensation désagréable s'était emparée du vampire, fourmillait sous sa chair comme une mutitude vile et grouillante d'insectes immondes faisant courir un irrépréssible frisson d'horreur le long de sa colone, un sentiment insidieux s'enroulant autour de chacune de ses vertèbres tel un venimeux serpent. Ezel était là, dans ses bras, blotti contre son corps pâle et froid de spectre eploré enchaîné à la tombe de ses défuntes amours, ses défuntes années... mais il ne le possédait pas. Le tendre enfant était à sa manière aussi inaccessible que Gaïa, la somptueuse néréïde qui s'était offerte à lui et l'avait enlacé alors qu'ils tissaient leur trame de songes, sans mots, avec cette compréhension parfaite et muette qui unit deux êtres au-delà de toute logique. L'hybride était une proie qui l'avait défié et qu'en stupide et cruel prédateur il avait d'autant plus désiré et pourchassé. Mais cela était tellement vide et tellement creux...

La situation lui apparaissait avec une netteté tellement ignoble que le Poète maudit se sentit soudain un dégoût sans nom pour ce qu'il avait été, cet être orgeuilleux et au fond si facilement maléable. Et il avait fallu pour cela qu'une malchanceuse victime tombée sous ses crocs le revoit et par un baiser posé sur ses lèvres aussi froides que celles des morts impose une soudaine lucidité à son ancien bourreau. Leur échange silencieux fait de caresses aurait pu perdurer, il aurait pu mordre dans cette gorge presque offerte ainsi que celle d'un cygne posant docilement sa tête sur le billot, mais cela n'aurait plus aucun sens. Il ne possèderait jamais entièrement Ezel, sauf en pénétrant de force dans son esprit et se roulant dans ses souvenirs innocents tel une catin dans des draps soyeux. Repoussant doucement le frêle jeune homme, la créature pâle et désincarné posa un regard triste sur ce naïf damoiseau qu'il avait tenu certainement pour la dernière fois dans ses bras.


"Je ne peux pas accepter cela... Je ne veux pas, je ne veux plus me contenter de simples étreintes dénuées de sens."

Laissant errer fugitivement ses doigts contre cette joue creusée par 5 années de souffrances et de cauchemards, contemplant douloureusement les conséquences de son cruel ouvrage et l'effroyable oeuvre du temps qui avait irrémédiablement marqué ce jeune homme et apposé le sceau de son joug contre ses traits légèrement vieillis, la litanie, le doux murmure chantant de son timbre ténu laissa percer sa nostalgie et ses regrets

"Je voudrais pouvoir effacer les torts que je t'ai causés... Mais ils sont là, bien présents, et nous empêchent, et toi, et moi, de me pardonner. Pourtant, si j'avais un unique désir, ce serait que tu puisses continuer ton chemin en étant de nouveau en paix et heureux... J'espère que tu y parviendras."

Plongeant une dernière fois ses iris argentés, éclats de lame ou reflets de lune, dans les yeux de son tendre interlocuteur, il laissa planer un silence qui envahit la pièce et permit au vampire de graver dans sa mémoire le souvenir de ces deux émeraudes avant de laisser poindre son enchevêtrement de mots qui vinrent planer fugitivement dans cette étrange atmosphère

"Adieu bel artiste... adieu fragile enfant..."
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeJeu 5 Juil - 15:26

Non.

Non, ce n'était pas vrai, c'était un cauchemar. Une claque monumentale, un véritable coup de poignard au coeur d'une plaie encore sanguinolente. Ezel affrontait le regard gris sans parvenir à parler, sans même réussir à penser. L'incompréhension qui le submergeait était à sa manière encore plus douloureuse que l'humiliation subie autrefois à cause de ces mêmes lèvres, cette même voix.

Pourquoi?

Non, non, non.

Il pensait comprendre pourtant, il pensait savoir ce que désirait le vampire, ce qu'il leur fallait à tous les deux pour reprendre leur route et laisser ce sanglant trou noir derrière eux. Tout hagard et égaré qu'il était, il aurait pu envisager qu'Ambroise le morde, il aurait pu comprendre qu'il lui fasse encore un peu de mal. Mais qu'il se détourne...

Et le mot tant redouté atteignit enfin le cerveau du jeune hybride, et ses mains frémissantes se crispèrent sur les bras du vampire, et des larmes se mirent à couler en ruisseaux sur ses joues trop pâles tandis qu'il secouait mécaniquement la tête de droite à gauche. Ambroise ne pouvait pas lui dire adieu, il ne pouvait pas, il... il... n'avait pas le droit...


"Non... je vous en prie, non..."

Il aurait tant voulu dire. Accuser le vampire, lui raconter comment il était entré dans l'esprit de sa victime dès la première fois où celle-ci s'était éveillée dans ses bras, par un soir de pluie au musée. Expliquer pourquoi il ne supporterait pas de se retrouver soudain seul dans cette loge oubliée, qu'il ne demandait pas plus qu'un regard pour accueillir le sien, un corps pour soutenir ses jambes vacillantes. Juste quelques heures, quelques minutes, le temps qu'il cicatrise, que les blessures rouvertes par Ambroise commencent enfin à guérir, maintenant que le pus s'en était écoulé. Ezel pleurait, hébété, sous le choc de la constatation imposée par l'immortel poète: il allait devoir se débrouiller seul. Sans Sérénité, sans Ambroise. Ni amante, ni bourreau. Seul.

"Vous... vous disiez vouloir m'aider, vous... ne pouvez pas partir, pas maintenant... S'il vous reste un semblant de pitié... restez. Rien qu'une fois, je vous en supplie, rien... rien qu'une fois..."

Ce qu'il attendait d'Ambroise? Peu importait. Pour le coup, Ezel aurait accepté de la même manière que le vampire demeure comme une frigide statue dans un coin de la pièce ou qu'il lui fasse l'amour à même le parquet - il s'en fichait complètement. Mais il ne voulait pas qu'on le laisse seul, pas en cet instant, pas alors qu'il était encore ému aux larmes par leur baiser, pas alors qu'il sentait encore la fraîcheur des doigts vampiriques sur une chair qui avait oublié jusqu'au sens du mot caresse. Il lui fallait du temps. Juste un peu de temps.

"Rien qu'une fois..."
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeMer 11 Juil - 5:59

"Laisse-moi!"

L'exclamation avait jailli, comme un cri, comme un coup de couteau déchirant dans un son abominable la toile de maître soignée et artificieusement bien exécutée, comme le jet d'une onde glacée au travers les rochers, la foudre qui tonne et l'éclair zébrant qui assassine l'espace.

"Bon Dieu mais laisse-moi... Tu ne comprends donc pas? Tu ne comprends donc pas que je suis un monstre..? Tu n'as toujours pas saisi toute l'étendue de ce mot?!!"

Des larmes brûlantes et amères laissaient des sillons fumants sur cette façade lisse de glace, faisaient hurler son âme à l'agonie alors que l'animal somptueux et terrible, froid et implacable déchirait ses entrailles sous ses assauts répétés. Le temps tel un doux rêve filé avait tissé les canevas de leurs existences martyrisées, telle une rivière chantante avait coulé et les avait entraînés en haut de la cascade, prêts à les projeter dans les profondeurs de l'onde ou les fracasser contre les récifs qui ainsi que mains ouvertes aux doigts dressés et avides attendraient de receuillir leur membres épars et goûter de leur sang les méandres ondulatoires. S'éloignant du jeune hybride et allant se recroqueviller dans un coin de la pièce, la tête entre les mains tandis que de nocturnes mèches de cheveux filtraient ainsi que des jets d'encre, des lambeaux de ciel noir entre 10 rais de lune, le maigre écrivain ressemblait à un enfant qui se terre et espère échapper à l'ombre croissante de ses cauchemards. Le prédateur réveillé hurlait sa faim, inondait son cerveau désorienté sous les vagues de son impérieux instinct, le submergeant d'images chaotiques de morsures, de flots vermeils, de la vision récente de la gorge offerte du fragile conservateur....

Tentant d'acculer la bête aux limites de son esprit, recouvrer l'usage de sa raison vacillante, gémissant sous l'effort, le souffle presque sifflant, haletant tel un homme en pleine lutte, Ambroise avait perdu toute sa superbe, défaillant sous les attaques presque ininterrompue du loup enragé et affamé qui le faisait presque se plier et se tordre de douleur au travers ses pleurs ardents, ses pleurs brillants, méandres scintillants. Son timbre ainsi qu'un tissu fluide et soyeux disloqué avait quelque chose de déchirant, de... Oh, plus aucun mot ne serait en peine de qualifier la voix malmenée qui s'échappa d'entre ces lèvres retroussées dans une esquisse hideuse, un rictus ignoble de bête en proie à sa folie destructrice et meurtrière.


"Je n'ai pas eu le choix... C'était cela ou mourir... Oh, Carmine...."

Ce qui était encore le vague reflet d'un son produit par des cordes vocales sembla se briser, mais qui aurait pu affirmer quoi que ce soit concernant ce ton inhumain où se mêlaient un sentiment indicible de souffrance et d'horreur... qui aurait pu encore qualifier ce qui déformait ce masque d'ordinaire impassible...? Tentant de maîtriser la malédiction qui le rongeait, juguler ses pulsions féroces, le Poète Maudit savait qu'il ne pourrait contenir longtemps les charges redoublant de fureur de son assaillant intérieur. Ce soudain réveil n'était en fait que la conséquence de l'ignorance volontaire du sire de Lusignan à l'encontre d'une part de sa nature, alors que le fauve s'étirait peu à peu et commençait à tourner dans sa cage mentale qui se faisait de plus en plus étroite et trop faible pour le contenir... Un dernier cri qui évoquait à la fois un aboiement rauque ou le long et lugubre hurlement d'un loup sous l'astre rayonnant d'argent

"Fuyez!"

*Fuyez...*

Cette pensée était comme une dernière plainte désespérée, comme le dernier chant spectral d'une âme en peine, une dernière bribe de mélodie prête à être engloutie sous les flots, un souvenir lointain qui déjà s'estompait ainsi qu'une fresque ancestrale sous l'étreinte violente de Kronos, une peinture s'effaçant et laissant à peine derrière elle la trace des premiers traits hésitants de crayon, un air resplendissant happé par le temps et qui offraient aux mémoires en piètre témoignage de ce qu'il fût par le passé, pathétique offrande de songe écorché, des son erratiques et hagards, lambeaux fuyant, faibles balbutiements...
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MessageSujet: Re: Rappel   Rappel Icon_minitimeMer 11 Juil - 7:06

Insidieuse, familière, ranimée en même temps que l'affection qu'Ezel avait pour sa triste vie, elle remonta à la surface sans se presser, long serpent huileux assuré d'arriver à sa destination. Elle écarta sans peine la détresse qui avait fait tomber l'hybride à genoux, et endormit en silence la stupéfaction provoquée par la soudaine et terrible crise de larmes du vampire. Oh oui, c'était insensé, de voir craquer un tel roc, un tel monstre qui avait pris tant de soin pour s'humaniser. Très très étonnant, oui oui. Mais la surprise ne dura qu'un temps, et le serpent prit inexorablement sa place, changeant la bouche entrouverte d'Ezel en lèvres tremblantes, muant les iris verts troublés en lacs écarquillés, stoppant net les larmes de déception, accélérant le cœur et la respiration, réveillant l'instinct Hll qui sommeillait dans les chairs du jeune conservateur.

En réalité, tout ceci ne prit qu'une seconde. Une seconde, après le dernier cri d'Ambroise. Une seconde pour passer de l'incompréhension à la terreur la plus pure.

Le hurlement féroce qui déchira la gorge du vampire ponctua la soudaine détente qui projeta Ezel hors de la pièce, si vite qu'il en paraissait presque flou. Il remonta l'étroit couloir à une vitesse qui dépassait l'entendement, retournant sur son passage les décors inachevés et costumes oubliés qui avaient jalonnés le chemin d'Ambroise. Parvenu à une intersection, il plongea à droite sans réfléchir, toute interrogation balayée par la panique et la voix dure de son instinct de survie, qui faisait tourner la même phrase en boucle dans son âme, ravivant sans cesse les flammes de sa terreur:
"un vampire court plus vite qu'un hybride, un vampire court plus vite qu'un hybride, un vampire..."

Cul de sac. Infime hésitation, avant de s'engouffrer dans un corridor ridiculement peu large et de gravir l'escalier de service qui le terminait. La régularité des marches permit à Ezel d'esquisser enfin une émotion cohérente, et il se rendit compte que c'était de la consternation. Dire qu'il avait organisé cette entrevue pour se défaire du joug d'Ambroise, peut-être humaniser un peu celui qui l'avait fait tant souffrir... et que par ses efforts pour susciter la compassion, il avait réveillé le fauve qui hantait ses cauchemars depuis cinq ans. Il comprenait à présent, oh oui il comprenait. Il y avait Ambroise. Et il y avait le vampire. Le nosferatu. Le monstre.

Le monstre qui était à ses trousses par sa seule faute, et qui de surcroît risquait de détruire le peu qu'il restait de l'ancien Ambroise. Si le vampire le rattrapait, il y aurait deux morts.

Ezel parvint enfin au sommet des escaliers... pour se heurter à une porte verrouillée. Haletant, il resta un instant pétrifié face au mur de métal, trop ahuri pour esquisser le moindre geste. Oh non, pas possible, pas encore, pas toujours... Personne n'avait une malchance aussi chronique, merde!

Le jeune hybride s'était mis à suer à grosses gouttes, pas tant à cause de sa course que de l'horreur sans nom qui lui tordait les tripes. Il se jeta sur la porte avec la fureur du désespoir, s'écorchant les ongles sur la serrure rouillée. Déjà il lui semblait entendre le souffle rauque du prédateur lancé à ses trousses. Sans doute la créature avait-elle découvert l'escalier, et maintenant elle le gravissait sans se presser, ses yeux de cadavre luisant dans l'obscurité, un rictus animal découvrant les crocs qu'elle avait plongés dans sa propre langue pour goûter au sang, fût-ce le sien. Ombre rampante, elle riait sourdement en se hissant jusqu'à lui, et déjà sa silhouette se découpait dans le noir du virage précédent, déjà ses doigts squelettiques se tendaient avidement vers sa nuque...

Les doigts frémissants sentirent un loquet, qu'ils ouvrirent dans un fracas de fer froissé difficilement supportable. Ezel tira le battant à lui et bondit hors de l'escalier, non sans claquer la porte derrière-lui. Il chercha vivement de quoi la barricader, avant de se rendre compte de deux choses - une mauvaise et une atroce. La mauvaise? La porte s'ouvrait vers l'intérieur, impossible de la bloquer avec un obstacle quelconque. L'atroce? De toute façon, il n'y avait pas d'obstacle quelconque, vu qu'Ezel s'était enfermé dans la pire des voies sans issues: le toit de l'Opéra.
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